Avertissement: Cet article est le résultat d’entretiens avec divers experts, de recherches de bureau et de discussions avec les Bruxellois autour de la question « Comment partagerons-nous la ville les uns avec les autres à Bruxelles en 2030 ? ». L’objectif de ces recherches est de cartographier l’état actuel et d’analyser les tendances, servant ainsi de base pour nos histoires futures.
APERÇU
💬 Intro : qu’entend-on par “partager la ville” ?
👀 2030 : dans neuf ans
👹 La vraie réalité : les quatre monstres
👊 La barrière de résistance : les six obstacles
👂 Apprendre et apprendre : les bons exemples à échelle locale et mondiale
💘 Attention : futurs en chantier
Intro : qu’entend-on par “partager la ville” ?
Chère Bruxelles,
vous n’êtes pas une tarte: nous ne pouvons pas vous découper en parts égales et vous partager entre nous !
Merci aux Brusseleirs d’avoir insisté sur ce point 🙏🙏
Nous voulons vous partager, chère Bruxelles, en partageant les mondes matériels et immatériels dont vous êtes faite: trajets en bus, espaces, fêtes, connaissances, informations, soins, règlements, ressources, cultures, identités, langues, temps et histoires.
Mais… pourquoi devrions-nous partager la ville quand nous pouvons être heureux dans nos bulles ?
On emménage dans un milieu urbain pour les opportunités et les nouvelles expériences, mais aussi parce que l’on ne doit pas forcément s’assimiler, contrairement à dans un village.
Les crises comme le changement climatique, le terrorisme et la pandémie ont remis en question la vie en ‘bulles’: dans ces moments critiques, nos interdépendances et nos vulnérabilités prennent tout leur sens. En réalité, nous comptons énormément les uns sur les autres pour répondre à des besoins fondamentaux: nous avons besoin de lien social pour lutter contre la solitude, et nous avons besoin de pouvoir faire confiance aux autres pour nous sentir en sécurité et en bonne santé.
Les gouvernements du monde entier l’ont compris. Lors de la dernière conférence Habitat III en 2016 par les Nations Unies, ils se sont tous engagés à embrasser la diversité et la vie ensemble, parmi de nombreux autres objectifs.
Nous ne voulions pas nous fier uniquement aux objectifs et promesses officiels; nous avons donc consulté les Bruxellois, dans les rues bruxelloises. Pour eux, vivre ensemble en 2030, c’est :
🎯 La solidarité au-delà des différences
🎯Un sentiment d’appartenance pour tous
🎯 Un tissu social riche
🎯 Un affichage créatif d’expressions culturelles
🎯 Une citoyenneté active
🎯 L’habitabilité pour tous
🎯 Partager de nouvelles histoires à propos de la ville
2030 : dans neuf ans
2030 sera une année particulière pour Bruxelles: en effet, la Belgique fêtera ses 200 ans d’indépendance! 🎺
Au cœur de ces festivités, Bruxelles aspire à célébrer l’esprit et le titre de Capitale Européenne de la Culture. 🤞🤞
Bruxelles en 2030 : que savons-nous ? 🙈🙈
Nous serons plus, et plus diversifiés.
Nous compterons beaucoup de nouveaux arrivants, grâce aux migrations climatiques (abondance de nourriture exotique à Bruxelles).
Ces nouveaux arrivants seront humains, mais nous accueillerons également des robots, des champignons et d’autres espèces.
Certains d’entre nous adopteront le multilinguisme (choix difficile), d’autres continueront à s’appuyer sur des outils de traduction (pas toujours efficaces pour une interprétation en temps réel).
Certains quartiers accueilleront la plupart des immigrés, devenant ainsi encore plus denses et donc peu attractifs pour beaucoup d’autres.
La sécurité deviendra un défi encore plus grand (ah mais non, pour une fois toutes les instituions ont pu se mettre d’accord sur quelque chose – une politique de surveillance stricte dans la capitale, tout va bien, rassurez-vous).
Nous aurons beaucoup plus de caméras et elles seront de meilleure qualité, plus compactes et mobiles, avec de meilleurs logiciels d’analyse et de reconnaissance faciale… souriez, vous êtes filmés!
On devra construire de nombreuses habitations neuves, tant publiques que privées – mais dans quel espace?
Bruxelles va devoir grandir verticalement (ceci signifie-t-il la fin de la dynamique de quartier?).
Cela rendra Bruxelles trop dense, posant la question « nature en ville » versus « nature ou ville ».
Cette densification excessive nous obligera à vivre et à nous déplacer très, trop près les uns des autres (REP la distanciation sociale).
La surdensification affectera principalement les populations pauvres et vulnérables (tiens tiens…).
Ah mais attends, on a des logements sociaux – on va les construire où, ceux-là, au nord ou au sud?
Plus de logements, c’est moins d’espace où les citadins peuvent faire pousser leurs légumes en ville (le choc sans fin des bulles).
Que diriez-vous de jardins urbains sur les toits des logements sociaux pour favoriser la mixité ?
Et si les politiques de travail à domicile mises en place durant Covid-19 étaient maintenues, ne fût-ce que dans les institutions européennes? Nous aurons dès lors beaucoup (plus) de bâtiments vides en 2030.
Mais bon, si ça se trouve, tout ça, c’est des fake news… Comment allons-nous nous faire confiance dans une ville hyperdiverse comme Bruxelles ?
On peut continuer à spéculer sur l’avenir…
Mais quelle est la vraie réalité ?
La vraie réalité : les quatre monstres
- Nous sommes tous très différents, de plein de façons différentes.
Pour partager la ville de Bruxelles les uns avec les autres, nous devrons tenir compte:
des cultures
des mouvements (nouveaux venus vs anciens Bruxellois)
des communes
des besoins différents
des genres
des générations
des religions
des classes socio-économiques
des espèces
…
2. Le nord de Bruxelles ≠ le sud de Bruxelles
Une chose que nous remarquons tous en nous déplaçant à Bruxelles : la ville change lorsque’on traverse le canal, pour le meilleur et pour le pire. Notre capitale est connue pour abriter à la fois les communes les plus pauvres et certaines des municipalités les plus riches du pays. Bruxelles est perçue comme l’une des villes les plus vertes d’Europe, malheureusement, ce n’est pas vrai pour tout le monde. Cette division reflète également la montée des inégalités socio-économiques entre communes.
Dans la vie de tous les jours, certaines franges de la population bruxelloise se côtoient à peine. Cette ségrégation de fait est un défi pour l’habitabilité de la ville à long terme.
3. 1 Région, 2 Communautés et 19 Communes : des objectifs différents et des visions différentes
Institutionnellement, Bruxelles comporte deux communautés (déterminées par deux langues, le français et le néerlandais), même si nous savons tous qu’en réalité, il y a beaucoup plus de communautés ethniques et culturelles. Actuellement, on parle plus de 164 langues différentes à Bruxelles! Cependant, l’intégration s’organise autour des deux communautés linguistiques officielles, et la pluralité des langues et des cultures est complètement ignorée, surtout lorsqu’il s’agit d’accueillir de nouveaux arrivants.
Le processus d’intégration tel qu’il est aujourd’hui est plombé par la bureaucratie: on attend surtout des nouveaux arrivants qu’ils s’éduquent en long et en large sur le travail administratif autour des cartes d’identité et des impôts. Et si on se concentrait plutôt sur leur inclusion en tant que citoyens, en les mobilisant dans les politiques locales et en appelant à leur contribution dans le développement de l’avenir de leur ville?
4. Partage versus distanciation sociale
Les interactions post-covid sont une grande question: serons-nous plus prudents dans nos interactions avec des inconnus? Allons-nous traîner uniquement avec les gens que nous connaissons? Serons-nous ouverts aux rassemblements spontanés?
La « peur des autres » est désormais très présente dans notre vie quotidienne et a affecté notre santé mentale.
Il existe par exemple de sérieuses craintes que le public rejette les transports en commun en faveur des véhicules motorisés et vélos individuels. Certaines politiques de confinement pourraient rester après la fin de la pandémie, normalisant ainsi le télétravail, les achats en ligne et l’enseignement à distance.
Partager la ville dans ces circonstances nécessitera de réapprendre l’acte et le sens du partage.
La barrière de résistance : les six obstacles
Afin de partager les uns avec les autres…
- nous devons nous ouvrir, nous adapter, nous ajuster, tolérer… Comment motiver différentes communautés à s’ouvrir les unes aux autres?
- nous devons étendre notre attention et notre solidarité aux étrangers et aux autres espèces. Comment pouvons-nous nous soucier et prendre soin de personnes que nous ne connaissons pas?
- différents groupes vivant les uns à côté des autres doivent interagir. Comment construire des ponts entre ces différents quartiers, au sens propre comme au figuré ?
- nous avons besoin d’accès – aussi bien d’un point de vue physique, que les informations et connaissances nécessaires. Comment concevoir et aménager Bruxelles pour un public diversifié?
- nous devons pouvoir nous exprimer confortablement. Comment accueillir la pluralité linguistique, culturelle et identitaire?
- nous avons besoin de ressentir un sentiment d’appartenance. Comment pouvons-nous faire en sorte que tout le monde se sente à sa place à Bruxelles?
Apprendre et apprendre : les bons exemples à échelle locale et mondiale
Brass’Art café à Molenbeek est un café communautaire qui veut abattre les murs de la division sociale et religieuse en offrant un espace où des personnes d’horizons culturels divers peuvent se rencontrer.
Le Manguier en Fleurs à Bruxelles crée un espace physique d’engagement qui sert de plateforme de dialogue entre nouveaux arrivants, d’échange d’informations et de création de réseaux.
La House of One sera un lieu à Berlin où la coexistence des religions se vit de façon paisible. Elle rassemble une synagogue, une église et une mosquée sous un même toit. La House of One servira de lieu de rencontre, où les fidèles et les membres du public pourront se réunir et en apprendre davantage sur les différentes religions et les uns sur les autres.
Queering the Map est une plateforme de cartographie collaborative gérée par une communauté. Cette plateforme archive numériquement des expériences LGBTQ2IA+ vécues dans l’espace public. Les bancs, les arbres, les portes racontent des histoires sur une réalité différente, que nous ne voyons pas.
Le programme « Inclusion par le sport » à Strasbourg vise à soutenir l’intégration de personnes réfugiées ou demandeuses d’asile par le sport. Les participants sont engagés dans des activités physiques concrètes. Ils sont initiés aux programmes de santé existants et, par conséquent, sont sensibilisés à leurs droits en tant que citoyens. Habilités par le bien-être, ils sont ainsi poussés à prendre soin d’eux-mêmes.
Que pouvons-nous apprendre de ces projets?
- Il n’y a pas de formule toute faite pour vivre ensemble dans l’hyperdiversité: cela nécessite des ajustements pratiques quotidiens et des discussions conscientes.
- L’inclusion d’artefacts (objets chers à différentes cultures et communautés) dans un espace partagé aide les différentes personnes à se sentir à l’aise.
- Donner de la visibilité à des formes hybrides d’art et de culture dans la ville. Ce choix permet d’encourager les interactions entre des communautés différentes, et peut motiver davantage de personnes à contribuer.
- La promotion de l’activité en plein air toute l’année, par le biais de la conception et de la programmation pour diverses conditions météorologiques, y compris des espaces publics respectueux de la pluie, est vitale pour les interactions sociales.
- Il est plus facile de rassembler des personnes d’horizons différents autour d’un besoin commun, exprimé par eux (par exemple: apprendre une langue). Une fois ces différents groupes rassemblés, un espace peut être créé pour favoriser un échange se focalisant plus sur la vie quotidienne. Il s’agit là d’un ingrédient-clé pour construire un tissu social riche.
- L’utilisation de formats visuels tels que des cartes et des diagrammes permet d’obtenir des vues différentes et aide des personnes diverses à comprendre les multiples couches de la société.
🚧 Attention: Futurs en chantier
« L’inclusion ne consiste pas à organiser quelque chose qui plaît à tout le monde, mais à s’assurer que tout le monde trouve quelque chose qui les intéresse ».
Marie Umuhoza, coordinatrice du festival Underneath Which Rivers Flows
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